Au lieu d'un grand Discours, voici le récit de ma course.

Triathlon Longue distance - Abu Dhabi 2013.

L’an passé déjà, j’avais regardé d’assez près le triathlon d’Abu Dhabi au travers des différents reportages magazines et web. Mais j’étais en année de régénération donc ce n’est resté qu’à l’état de projet.

Mais cette année, je prépare Lanzarote sérieusement et donc j’ai reluqué d’un peu plus près cette course qui possède plusieurs avantages :

  1. Elle est au soleil et avec l’hiver qu’on a, c’est un véritable booster de mental.
  2. La date est parfaite pour s’intégrer dans une préparation. 10 semaines avant Lanzarote.
  3. Les distances sont très bien : 3 km de natation, 200 km à vélo sur un parcours assez plat et 20 km de course à pieds. De quoi s’étalonner en natation, faire un bon vélo et un bon entrainement à pieds, sans avoir le traumatisme d’un marathon.
  4. Le parcours est original avec ses trois tours sur le circuit de F1 d’Abu Dhabi.
  5. C’est au chaud et j’adoooore la chaleur !!!!

Mais attention, pas question d’être complètement prêt pour cette course. Sur le conseil, de mon ancien coach et toujours amis Nicolas Hemet, je fais attention à ne pas être au top sur cette course. J’ai traduit cela de la façon suivante dans ma préparation : je ne commence pas les entrainements à allure spécifique comme je vais le faire 8 semaines avant Lanza. Pour autant, je roule plus que d’ordinaire pour me présenter avec un matelas d’environ 1200 km sur les 28j avant la course. En natation, je ne fais toujours que deux séances par semaine et en CàP, j’ai déjà fait un gros cycle d’endurance pour le Raid Normand. Je l’entretiens mais toujours pas d’allure spécifique : Finalement, il ne faut pas oublier que le triathlon longue distance est avant tout un sport d’endurance. Les allures spécifiques c’est bien, mais sur un matelas d’endurance confortable, çà permet de les tenir plus longtemps…et c’est mieux. Donc tout sur l’endurance pour le moment.

Mais attention, çà ne veut pas dire que le jour J je ne ferais pas la course. Je la ferais simplement plus sur l’endurance que sur le spécifique. Et avec un dossard, tout peut arriver.

Nous sommes arrivés le mardi soir avec Seb Escola Fasseur. Le voyage, l’hôtel, les bagages, tous s’est bien passé.

 

Notre Hôtel est super, un peu éloigné du départ mais pas de problème, il y a des taxis partout pour pas cher du tout. Et nous sommes du bon coté pour éviter de traverser la ville. Nous nous entraîno ns donc le mercredi et le jeudi (180 km), sur le parcours (Autoroute de 5 voies !!!!) jusqu’au fameux circuit F1 de Yas Marina. Nous nageons une fois (2 km) et nous courons une fois 6km (pour tester la guérison de la fracture de fatigue de Seb).

Je profite de la reco du circuit vélo pour en tirer quelques enseignements :

  • Le vent sera de la partie et il sera assez fort. C’est un thermique donc il ne devrait pas gêner le matin.
  • La chaleur sera de la partie et j’aime çà.
  • Je teste différents braquets dans le vent et avec le vent pour simuler la puissance moyenne que je vise sur ce parcours : 220 W sur 200 Km

La pasta party à lieu le jeudi (à 16h00 !!!!), le briefing est très important car il y a des subtilités dans le parcours.

Le vendredi c’est la pose des vélos. Çà y est, nous sommes dans le match, je n’ai plus d’ami. Pour l’instant tout se passe bien. J’ai très peu couru depuis une semaine mais çà ne m’inquiète pas. Je suis prêt à faire la course et surtout à m’écouter, à gérer, à apprendre, sur mon état de forme actuelle.

Samedi  3 mars, 3h45, réveil des troupes.

Petit déjeuner à l’hôtel, dans la chambre (pain complet, miel, pain arabe, banane, jus d’orange, café). J’ai faim, j’ai envie de faire la course malgré un léger stress : 200 pitons en vélo, c’est ma première fois. Seb semble un peu moins dans le match. Il va essayer de courir quand même, s’il se sent assez bien mais il est un peu plus sur la défensive, ayant beaucoup moins (pas assez en réalité) de kilomètres au compteur. Nous prenons un taxi pour rejoindre le parc. Nous sommes un peu en avance. Nous avons le temps de préparer correctement nos affaires, sans stress. Surprise, le vent souffle déjà fort à 6h00 du matin et dans le sens inverse des jours dernier. C’est un vent du désert et non un thermique qui soufflera toute la journée. Bad news mais çà fera un parcours au 2/3 Lanzarotien : Chaleur et vent. Il ne manquera que le relief.

6h40 : Départ des Pros masculin dont Van lierde (2ème à Hawaii 2012), Sylvain Sudrie (Champion du Monde LD), Eneko Lianos (2ème Hawaii 2008), Philip Graves (Gros Nageur / rouleur anglais), Paul Amey, Mac Cormack (Macca, deux fois vainqueur Hawaii) et plein d’autres (30 en tous) que je ne connais pas.

6h41 : Départ des Pros féminines dont Caroline Steffen (deuxième Hawaii 2012), Jauna Lawn, …, et plein d’autres (20 en tout) que je ne connais pas.

Beaucoup de beau monde. Il faut dire que le prix de 50 000 $ au premier (même grille de prix pour les filles) y est pour quelque chose

7h10 – Départ de ma vague (bonnets bleus) – Deux boucles de 1,5 km (deux bouées par boucle) soit 3km dans une eau bleue et claire à 21,5 degré donc combi autorisée (ouf !!!).  Le départ est donné par Norman Stadler (deux fois vainqueur à Hawaii).

Je déclenche mon chrono. Comme il y a des départs par vague, nous ne sommes pas trop nombreux. Nous serons 240 en tous. Je me suis assez bien échauffé et je peux partir sur un rythme correct en essayant de poser ma « nage » au mieux. Je lève la tête pour viser la bouée rouge au loin. Je me sens assez bien, j’essaie de ne pas créer une trop grosse dette d’oxygène en n’étant pas à bloc. Je suis un V2 maintenant et j’assume mon coté diésel, un peu long à chauffer. La première bouée arrive mais ce n’est pas la bagarre. Il y a de la place pour nager. La deuxième bouée est plus loin et comme d’habitude, je m’ennuie sur la natation. Pas facile de viser cette bouée qui n’est pas très haute alors je prends un repère avec un building derrière (qui lui est très haut !!!). Je n’ai pas toujours l’impression de nager droit mais « mon building » me recale. Ne respirant qu’à gauche (respi deux temps en compétition pour moi), j’ai le soleil dans les yeux à chaque fois et c’est assez gênant. Enfin la deuxième bouée est là. Retour vers le bord avec des sensations qui s’améliorent (le diésel chauffe). J’en profite pour essayer de nager propre tout en gardant une fréquence de cycle correcte pour moi). Je sors de l'eau et je regarde mon chrono : 21'45". Super, je suis dans le rythme.  Je cours les 30m de l'australienne et je replonge. J'essaie de prendre les pieds d'un gars mais je ne suis pas très bon à ce jeu-là. Je fais donc ma course seul. Je passe la première bouée et je me recale sur mon building. L’eau est calme.  Soudain une agitation arrive de l'arrière. Ça clapote dur. Un groupe de nageurs, bonnets verts, revient sur nous à grande vitesse. Il s’agit des premiers du short distance (1,5 / 100 / 10), partis dans une autre vague qui nous passent comme des fusées, avec Alistair Brownlee (champion olympique de triathlon 2012) himself en tête. Enormissime !!! Ça envoie grave !!! J'aurais vécu une fois ça dans ma vie !!! Je relève la tête,  ils sont déjà loin. 
Je continue mon bonhomme de chemin pour virer la deuxième bouée,  finir le parcours et sortir de l'eau, pas entamé,  en 43'50". Pas mal, je suis sur des bases de 56/57 sur ironman. Parfait pour moi. Je "lap" mon garmin

Temps natation : 3000m en 43’37’’


Je fonce vers T1 et la tente de changement (c'est la course quand même !!!) et je  sors mes affaires du sac vélo. Je prends le temps de me mettre de la crème solaire, le soleil va taper fort. Je range ma combi et je cours vers mon vélo en mettant mon casque. Puis je prends mon vélo et je cours sur le long tapis rouge pour sortir du parc. Fin de T1, je "lap" mon garmin.

Des les premiers coups de pédales je sens le vent de face. Je regarde ma garmin et là,  surprise,  la puissance s'affiche mais ni la distance, ni le chrono.  Argh !!! Que se passe-t-il ???
J'essaie quand même de régler ça tout en roulant assez fort. Je bricole le truc, les paramètres. ..Rien n'y fait. Je sauve la natation et T1 et je le redémarre...No way....toujours aucune distance d’affichée. Il faut imaginer que j'ai le bidule au poignet, que je suis en position aéro à environ 36/37 km/h, que je dois regarder la route, éviter les coureurs et ne pas drafter...pas facile. 
Je me galère comme ça pendant ce que j'estime à 7/8 km puis je comprends. L'aimant ou le capteur du capteur pédalage/vitesse garmin a du bouger. Il ne fonctionne pas bien.  Mais la montre l'a détecté et elle lui donne priorité par rapport au GPS. J'ai coupé le capteur et bingo ... les vitesses et distance apparaissent. Je suis au kilomètre 10, le vélo peut commencer. ..ouf !!!
Direction le circuit de F1 de Yas Marina. Le vent est assez fort et pleine face. J’essaie de faire attention à la puissance pour ne pas trop me cramer. Face au vent, je suis quand même à 260-280W et c’est un peu trop. Je fais aussi attention à ne pas amener trop de braquet pour avoir une cadence de pédalage d’environ 85-90 rpm. En fonctionnant ainsi, je remonte du monde sans y laisser trop de forces. Nous ne sommes pas encore nombreux sur le parcours. Pas de problème de drafting.  Le parcours est assez plat mais les faux-plats montants face au vent sont assez costaud. Evidemment, je fais attention à boire assez souvent, la chaleur commence à monter.

Arrivé sur Yas marina Island, le circuit de F1 n’est plus très loin. Un virage à gauche et j’y suis enfin. C’est énorme, l’enrobé est nickel, l’entourage est superbe, j’entends même le bruit des moteurs dans ma tête …vrooooom !!!!  vrooooom !!!!. Sur le premier tour je suis presque seul (les écarts sont très importants). Les virages sont parfois assez serrés et je me surprends à réfléchir à mes trajectoires. Je me méfie quand même car il peut y avoir des traces d’huile, des voitures circulant tous les jours sur ce circuit. Je passe la ligne d’arrivée (pas de drapeau à damier mais presque) et je repars pour mon deuxième tour. Nous sommes maintenant plus nombreux, les coureurs du « short distance » faisant eux un tour de circuit. Je n’oublie pas le ravitaillement et je reprends même, à la volée, de la crème solaire pour assurer le coup. Je repense à Leanda Cave à ce moment-là. Je fini le troisième et dernier tour, je sors du circuit. Ma puissance prend sa valeur moyenne tranquillement et tend vers les 220-230 W recherchés.

Je suis au kilomètre 55 et j’attaque maintenant les trois grandes boucles. Le vent souffle de dos pendant environ 20 km. J’en profite pour bien manger et boire. La vitesse s’affole un peu. Les watts instantanés baissent un peu. Je descends une ou deux dents pour garder une puissance minimum avec toujours une cadence de 85-90 rpm. Les kilomètres défilent, c’est génial. Le demi-tour est situé en haut d’une bosse un peu face au vent et c’est reparti pour deux trois kms faciles et 17-18 face au vent. Je suis obligé d’appuyer un peu plus fort sur les pédales. Le capteur de puissance m’est d’une très grande utilité pour m’empêcher de pousser trop fort sur les pédales. Je me cale sur 250-260W max en jonglant avec le dérailleur. Je gère une douleur au fessier droit depuis le début. Je prends le temps de m’étirer un peu mais je reste en position aero 95% du temps. Je relance en danseuse de temps en temps et je sens que les jambes vont bien. En Attaquant la deuxième boucle, je croise des motos qui ouvrent la route pour Alister Brownlee. Il a l’air à bloc, çà envoie du lourd. Je finis ma deuxième boucle en bonne forme. Je suis au km 130. Sur l’aller de la troisième boucle, je me fais doubler par les premiers (Van Lierde, Lianos et Sudrie). Là aussi, çà n’amuse pas la galerie. Van Lierde à l’air facile. Je termine ma dernière boucle et il ne me reste qu’à rentrer, soit environ 30 km.

Les 20 premiers sont assez faciles avec le vent mais les 10 derniers sont difficiles, contre le vent et avec la fatigue, c’est dur. Je me fais doubler par trois gars dans ces 10 derniers kilomètres mais vu leur gabarit, je me dis (peut-être à tort)  que si je ne me laisse pas trop distancer, à pied je pourrais peut être revenir sur eux. En attendant, je relance pour garder le rythme et les avoir en ligne de mire.

 

Fin du vélo, enfin…Je descends, les jambes sont lourdes mais le long tapis rouge qui nous amène au parc me permet de récupérer un peu de sensations. La sensation générale est bonne : un peu fatigué mais d’attaque pour la càp. Dans la rangée de ma vague, je suis 5ème et je pose mon P2 derrière 4 Cervelo P5 (très en vogue à Abu Dhabi). Je ne suis donc pas trop mal.

Parcours vélo : 200 km en 5h28’19’’ (36,55 de moyenne et 215 W de moyenne).

Je file dans la tente pour une transition assez rapide. Chaussettes, chaussures, visière et hop, c’est parti pour 20 km en deux boucles.

Il fait assez chaud, je prends le temps de me ravitailler immédiatement avec du Gatorade. Les jambes répondent correctement. J’ai décidé de partir sur un rythme correct si les jambes le permettent. Après le premier Kil de mise en route en 4’30’’, j’aligne quelques kils en 4’10’’ - 4’15’’. Je ne saute aucun ravito, je change mes éponges à chaque ravito et je bois un verre de boisson énergétique à chaque fois. Cela me ralentit un peu mais c’est un investissement. Je me fais doubler par un américain assez baraqué, je ne peux pas suivre le rythme, je le laisse partir. Je reviens sur deux des gaillards qui m’avaient doublé. Je ne m’étais pas trompé sur leur gabarit, ils sont plantés. Les kilomètres s’égrainent au fil des vibrations de mon Garmin qui me donne l’allure de mon dernier kil. J’essaie juste de rester sous les 4’30’’. Souvent je suis plus rapide mais deux trois fois je suis vers 4’35’’ (à cause des ravitos). Je me sens un peu fatigué mais rien d’insurmontable et je finis le premier tour en gérant. Je repars sur le deuxième tour en me disant que je suis sur mon dernier tour. Mon allure se ralentit un peu mais je reste quasiment tout le temps sous les 4’30’’. Les petites boucles me donnent l’indication que çà ne revient pas derrière (c’est quand même la course alors je fais le métier). Enfin, à deux kils de l’arrivée, je vois mon américain du début de la Course à pieds. Il a l’air d’avoir ralenti. Alors j’accélère doucement mais surement (les deux derniers kils en 4’10’’ environ) et je le passe franchement à 500m de la ligne. Enfin, le dernier virage à gauche, le tapis rouge et la ligne d’arrivée est en vue. Je me retourne, « mon américain » est loin. Je franchis la ligne en brandissant un poing rageur. Je suis content d’en finir.

 

Temps de la Course à Pied : 1h24’32’’ (13,9 de moyenne, je pense qu’il n’y avait que 19,5)

Conclusion : 7h45 - 29ème au scratch, 10eme en Age Groupe et 1er dans mon Age Groupe, je ne peut être que satisfait pour une course de préparation. 

J’en tire plusieurs éléments :

-- C’est un bon indicateur de niveau de forme. 
-- Même si je n’avais pas fait de travail spécifique, le travail d’endurance a été vraiment payant.
-- Le jour de la course, je fais la course
-- Vive le soleil et la chaleur
-- Je suis capable de tenir 5h20 en position aéro (au moins 8’ d’étirement pendant la course)
-- Mon vélo marche encore bien, je n’en changerais pas.
-- Il me manque encore pas mal de boulot en CàP.
-- La base de notre sport c’est l’endurance. Il faut quand même passer pas mal de temps sur le vélo mais çà paye.
-- J’y retourne l’an prochain, j’ai gagné mon inscription et le billet d’avion…YEEESSSS !!!!!