LANZAROTE : la douleur n'est qu'une information mais quelle information  


Une date à retenir : le 28 mars 2012 car c'est le 1er message d'Arnaud sur le site concernant l'ironman de Lanzarote 2013. 
Pour moi, c'est une évidence : je remets le couvert après un 1er essai réussi à Copenhague en 2011 . 
Je veux à nouveau être un « IRONMAN », connaître le bonheur de passer la ligne en tant que finisher et surtout de vivre une nouvelle aventure avec les copains du club . 
Inscrit très rapidement, je décide d'attaquer avec sérieux l'entrainement dès le mois de septembre 2013. 

La préparation : 

Je la déclinerais en 2 parties, une 1ère partie du 1er septembre au 18 novembre de remise à niveau et une 2nde partie du 19 novembre au 10 mai, départ pour Lanzarote. 
La 1ère partie est pour moi une remise à niveau après une année 2012 blanche au niveau du triathlon (2 voire 3 compétitions). Mon objectif principal est de commencer à perdre du poids (je suis à 75kg). J'attaque donc la préparation avec sérieux en faisant attention à mon alimentation et en reprenant le sport correctement. 
Très vite, ça paie et me dit que je suis dans la bonne voie. 
Arrive donc la 2nde partie de la préparation et la véritable préparation pour Lanzarote. 
Arnaud, chaque semaine, nous concocte un programme aux petits oignons. On n'a pas à réfléchir, simplement à agir( Merci à toi Arnaud). C'est vraiment un plus. 
Je continue à faire attention à mon alimentation et très vite j'arrive à perdre 10kg et me retrouve avec un poids de 65kg, ce qui est pas mal pour moi. 
Avec les copains du club, on enchaîne les semaines de préparation avec plus ou moins de facilités, avec des hauts et des bas (de belles cartouches à vélo le dimanche matin), un climat souvent contre nous et pour moi en plus des allers-retours Brest/Roissy à gérer. 
Ne pas trop se fatiguer, ne pas se blesser, mon principal mot d'ordre pour arriver en forme le jour de la compétition. Et la préparation d'Arnaud paie, les 1ères courses (trail aberwrach, duathlon Pontivy) le prouvent. La confiance est là et je me sens bien. 
Sans en avoir parler et à quelques jours du départ, mes objectifs sur cet ironman sont : 
- 1h10 en natation 
- 6h00 en vélo 
- et moins de 4h00 sur le marathon. 
Soit avec les transitions une course entre 11h30 et 12h00. 

Le départ pour Lanzarote : 

Après de nombreux épisodes  concernant mes billets d'avion, le départ se fait le vendredi 10 mai pour une arrivée le 11 sur une magnifique île, dans un superbe appartement à 50m de la course : PARFAIT  ..... 
1ère impression : très joli mais chaud et venté. 
Ma 1ère journée sur place, j'en profite pour aller nager 1h : un vrai bonheur  avec une eau chaude, bleue, très claire et poissonneuse. 
Le 2ème jour, je fais une sortie de vélo de 3h et là c'est le coup de massue   : chaleur, vent, parcours difficile et exigeant. Je me dis qu'il sera compliqué de faire 6h sur le vélo. 
Le 3ème jour, Arnaud est arrivé et on en profite pour aller rouler ensemble 2h et cette sortie va confirmer mes 1ères impressions, le vélo va être terrible. 
Le 4ème jour, tous les Dauphins (excepté Pat) sont arrivés sur l'île et notre dernière journée d'entrainement va presque se transformer en un half. On est mardi, la pression monte petit à petit et je ne suis plus sûr d'atteindre les objectifs espérés. 
Le reste de la semaine sera dédié au repos, aux visites de l'île (merci Arnaud) et à la récupération de mon dossard . 

L'épreuve : 

Le jour J, enfin, il est temps...... 
Petit déjeuner à 5h et départ pour la course à 5h30. Pas trop de stress et le fait d'être installé juste à côté du départ me permet de rester zen. 
Je rejoins les autres amis dauphins et comme-çi on était poursuivi par la malchance, le début de la course se fera sous la pluie. 
Et pour moi, c'est le début du calvaire et d'une longue et difficile course : 
Au bout de 50m de natation, je reçois un énorme coup de pied dans les côtes qui me fait très mal et me coupe le souffle. Je suis obligé de stopper, on me passe dessus, on me coule mais très vite et malgré la douleur, je dois réagir, reprendre mes esprits et me remettre à nager. A aucun moment, je n'avais imaginé un tel scénario....On pense au coup de poing, à l'arrachage des lunettes, à l'incident mécanique ou la crevaison sur le vélo, au coup de moins bien ou à une hypo sur la marathon mais jamais à se faire péter des côtes pendant la natation. 
Je reviens à la course, et malgré cette douleur, je continue à nager et m'écarte un maximum de la ligne d'eau pour ne pas me retrouver avec plusieurs nageurs. A ce moment, je ne redoute qu'une chose : recevoir un autre coup. Je zigzague énormément, chaque mouvement du côté gauche me fait mal, chaque inspiration aussi. C'est difficile et dans ma tête, ça bouillonne : que dois-je faire ? Continuer malgré la douleur ? Abandonner ? Je ne suis plus trop dans la course. 
Sortie à l'australienne, je ne peux pas courir, je cherche du réconfort auprès de ma femme et lui annonce rapidement que j'ai eu un problème dans l'eau et que je dois avoir des côtes cassées. Elle comprend de suite et est désespérée et angoissée. Pour elle aussi, la journée va être longue, stressante et riche en émotions. 
Bizarrement, mon temps n'est pas mauvais : 35'. C'est la seule chose rassurante et qui me fait continuer. 
Même scénario pour le 2ème tour, j'ai hâte que ça finisse car je souffre. Par contre, je suis surpris par mon temps et sors de l'eau en 1h10 (1er objectif atteint). 
La transition est difficile, impossible de courir, il pleut toujours. C'est la galère pour retirer ma combinaison et pour enfiler mes chaussettes aux pieds. Je crie par moment tellement j'ai mal. Impossible aussi de nettoyer mes pieds, je ne peux pas me baisser et je repart avec mes pieds plein de sable. 
Je récupère mon vélo et me dis que tant qu'à être à Lanzarote, autant essayer de rouler avant d'abandonner. 
Et c'est sous la pluie que je pars pour 180km de vélo. Je ne suis pas trop dans la partie, mon corps est là mais ma tête est toujours ailleurs. D'ailleurs très vite, je suis rattrapé et doublé par Bernard (quel guerrier). Il faudra le retour du soleil pour que ça aille un peu mieux et surtout par le fait que je ne souffre pas trop sur ma monture. 
Ce sera le seul moment de la course que j'aurai apprécié alors qu'au départ j'en avais une énorme appréhension : j'ai les jambes, le parcours est magnifique, on en prend plein les mirettes tout au long de la route. Je double énormément de gars à partir de Téguise et dans les 2 miradors. J'ai doublé sussucre (bravo à lui pour sa course) juste avant et j'ai pu lui expliquer ce qu'il m'était arrivé. 
Je profite un maximum de ces moments car je sais que ça ne va pas durer. 
La fin du vélo arrive et j'attaque la T2 après 6h03 de vélo et presque 30 de moyenne (2ème objectif atteint). Je suis content  car il n'y a pas beaucoup de vélo dans le parc (je ne le savais pas encore mais à ce moment je suis en 340ème position). 
Me voilà sur le marathon et mon calvaire va vraiment débuter. Impossible de courir car j'ai beaucoup trop mal  et je n'arrive pas à trouver ma respiration. C'est énormément frustrant car je ne me sens pas fatigué du tout. Je n'ai pas grand à dire sur ce passage, si ce n'est que je mettrais 5h15 à le faire, 5h15 de souffrance, de galère et de déception, heureusement agrémenté à chaque tour par les encouragements de nos supportrices et des amis compétiteurs que je croise de temps à autre. Chaque pas est un choc pour moi, un enfer. Il est vraiment temps que ça se finisse et c'est donc à 19h42 (soit 12h42 de course, très loin de mon objectif de base) que, pour la 2ème fois de ma carrière de triathlète, je franchis la ligne d'arrivée d'un ironman. Ligne franchie main dans la main avec Valérie (très émue). Pour moi, c'est la délivrance, la fin de la douleur et de la souffrance (enfin je le croyais). 

Yes, j'ai fini, je suis à nouveau un IRONMAN  . 

Mais je n'ai pas le même sentiment de joie qu'à Copenhague, j'ai un goût d'inachevé. 
Je récupère ma médaille, mon tee-shirt de finisher et je retrouve Rosé (un guerrier lui aussi) qui a fini un peu avant moi et on décide de passer par la case massage et là ....... 

L'après-course : 

La pression tombe, les nerfs lâchent. J'ai froid, j'ai mal, la douleur est vive : je ne peux plus me lever. 
Viendront le docteur, l'ambulance, les urgences, les examens, la nuit à l'hôpital et surtout toujours cette douleur. 
Je sortirai le dimanche midi e l'hôpital avec un bilan de 2 côtes cassées  . 

Bilan : 

Quelques jours plus tard et avec le recul, j'ai toujours ce sentiment partagé, peut-être aussi car j'ai toujours mal à mes côtes et dors très peu. 

Je suis content car : 
- je suis finisher d'un des plus durs ironman du monde. 
- malgré mes côtes cassées, je finis 804ème et dans la 1ère moitié du classement (1700 finisher). 
- J'ai découvert un magnifique endroit : Lanzarote, ses paysages, son vent et son soleil. 
- j'ai passé de superbes vacances avec mes amis Dauphins et surtout avec ma femme. 

Je suis déçu car en tant que sportif et compétiteur : 
- j'avais des jambes pour faire un meilleur chrono. 
- Je n'ai pas atteint mon objectif de base. 
- J'avais les moyens de battre le père Rivoal  . 
- Je m'étais donné les moyens nécessaires pour réaliser une très bonne performance : perte de poids, assiduité aux entrainements.... 
- je voulais faire un meilleur chrono qu'à Copenhague. 
- je voulais prendre du plaisir pendant la course et profiter du bonheur de passer la ligne en tant que finisher et je n'ai pas vraiment ressenti ce sentiment quand j'ai passé la ligne. Je voulais juste que le calvaire se termine. 

C'est sûrement ce qui fait la beauté et le charme des courses comme les ironman. Tout peut arriver, il faut savoir rester humble et accepter ce qu'il se passe pendant la course. 
Alors, peut-être que je ne dois pas faire le difficile car il y a pire que moi. 
Je pense au collègue William de Montpellier qui pour un 1er ironman a fini sa course dans la lave avec une clavicule cassée, 3 côtes cassées, un pneumothorax et une cheville en vrac et à la date d'aujourd'hui est encore bloqué à l'hôpital à Lanzarote. 

C'est pourquoi je le redis : «  Yes I did it », je suis un IRONMAN  . 

Félicitations : 

- Bravo à tous les Dauphins finihers et à Stéph Monfort. 
- Bien sûr, félicitations à Arnaud pour sa perf et sa qulification pour Hawaï. Tu es vraiment notre Dieu. 
- Je félicite aussi Alex pour sa course parfaite pour un 1er ironman. C'est dommage qu'il doit déjà nous quitter. 
- Enfin, mention très spéciale à Vincent pour sa course fantastique, son esprit guerrier pendant toute cette préparation hivernale. Tu es un exemple pour nous, et pour beaucoup de personnes maintenant. Continues comme ça. 

Remerciements : 

Enfin, je voulais remercier : 
- le Prez, les triathlètes du club et le club en général pour la chance qu'on a d'y être et la bonne ambiance qui y règne. On a la chance d'être dans un club extraordinaire. 
- Les supportrices présentes à Lanzarote et Seb (de Brest) pour leurs encouragements pendant la course. Ca m'a bien boosté. 
- Arnaud, pour sa disponibilité, son professionnalisme, sa patience et sa gentillesse tout au long de la préparation. 
- Arnaud, encore pour son organisation et sa gestion parfaite durant le séjour à Lanzarote. Il a très bien su jongler entre entrainements et visites de l'île. C'était parfait. 
- Le Prez à nouveau pour avoir été souvent volontaire pour venir rouler avec moi. Ca m'a permis d'éviter de rouler seul plusieurs fois. 
- Mes amis ironman (Pascal, Alex, Pat, Rosé, Dieu, Vincent, Gillou et Bernard) pour l'aventure qu'on a vécu ensemble pendant ces longs mois de préparation et pendant cette semaine à Lanzarote et surtout spéciale dédicace à Pascal, Alex et Pat avec qui j'ai énormément roulé. 
- Mes enfants et surtout ma femme pour avoir supporter mes humeurs 
- Et encore, ma femme, Valérie, à que je dédicace cette médaille de finisher, après tout ce qu'on a vécu ensemble ces derniers temps et aussi parce que si elle n'avait pas été là, je ne serai pas allé au bout de cette course. C'est pour elle que j'ai souffert et que je me suis battu. 

Conclusion : 

Dixit Pascal, on ne m'appelle plus le douanier maintenant mais : 


le garde-côte